L’Allemagne veut rendre payante ses autoroutes pour les étrangers
À partir de 2016, une vignette devrait être nécessaire pour circuler outre-Rhin. Elle coûterait 10 € pour dix jours et 103 € à l’année. Les automobilistes allemands ne seraient pas concernés.
Ce devait être le projet phare des conservateurs bavarois. Celui qui imprimerait une touche chrétienne-sociale (CSU) à la politique du gouvernement et comblerait les électeurs de la région, las de voir leurs voisins européens déferler sur leurs routes, gratuites, comme partout en Allemagne.
Mais l’introduction d’une vignette automobile tourne au casse-tête pour le ministre des transports, Alexander Dobrindt (CSU).
UN PROJET DISCRIMINATOIRE
L’idée ne manque pas d’attraits : faire payer l’usage des voies routières et autoroutières allemandes aux automobilistes étrangers, et financer ainsi la nécessaire modernisation du réseau. Mais elle fait grincer des dents au sein même du gouvernement de coalition allemand, qui en a pourtant adopté le principe.
Car une vignette qui ne serait payée que par les voitures étrangères contrevient au principe de non-discrimination des citoyens de l’Union européenne. Pour être conforme au droit européen, elle doit s’appliquer aussi aux automobilistes allemands.
Une perspective inenvisageable au pays de l’Adac, la puissante fédération d’automobile club, qui compte près de 19 millions de membres.
CONTOURNER LE PROJET INITIAL
Alexander Dobrindt s’est donc livré à un tour de passe-passe. Le 7 juillet, il a présenté les grandes lignes d’un projet remanié, qui prévoit de taxer toutes les voitures circulant sur le réseau allemand.
Mais le prix de la vignette sera ensuite déduit de l’impôt annuel sur les véhicules à moteur, dont s’acquittent les automobilistes allemands. « Les propriétaires de véhicules immatriculés en Allemagne ne devront pas payer plus qu’aujourd’hui », a-t-il promis.
En l’état actuel du projet, la vignette, qui doit être obligatoire dès 2016, coûtera 10 € pour dix jours et 20 € pour deux mois. À l’année, son prix s’élèvera à 103 € pour une voiture à essence immatriculée à l’étranger – le montant pour un véhicule diesel n’est pas encore connu. La vignette doit permettre de récolter 2,5 milliards d’euros en quatre ans – grâce uniquement, donc, aux automobilistes étrangers.
LES VOISINS DE L’ALLEMAGNE MENACENT DE PORTER PLAINTE
La mesure est « conforme au droit européen », a assuré Alexander Dobrindt. Mais fin juillet, le commissaire européen aux transports Siim Kallas a fait part de ses réserves et demandé un examen du projet.
Les Pays-Bas et l’Autriche se disent prêts à porter plainte devant la Cour de justice de l’UE. Et des élus du Bundestag estiment que la vignette et la ristourne fiscale constituent, juridiquement, une unité – ce qui laisse donc entière la question de la discrimination.
Remonté, le président de la CSU, Horst Seehofer, ministre-président de Bavière, a déclaré que la survie du gouvernement était en jeu sur cette affaire. « La vignette est inscrite dans le contrat de coalition au même titre que le salaire minimum », a-t-il insisté, en référence au projet emblématique de la gauche, qui doit entrer en vigueur en 2015.
LE DÉBAT DEVIENT POLITIQUE
Mais le débat se prolonge. Les détracteurs de la vignette soulignent qu’elle ne doit rapporter que 600 millions d’euros par an, une goutte d’eau dans l’océan. En 2012, une commission mise en place par les régions et l’État fédéral recommandait d’investir 7,2 milliards d’euros par an pour la modernisation du réseau routier, ferroviaire et des voies maritimes.
Sur le plan fiscal, certains dénoncent l’arrivée d’un « monstre bureaucratique » : quelque 50 millions d’avis d’imposition devront être revus à la baisse. Les régions frontalières de l’Allemagne s’inquiètent des répercussions de la vignette sur l’économie locale. Quant aux associations allemandes de défense d’automobilistes, elles craignent que d’autres pays européens s’engagent sur la même voie.